Alice PASSY
 
 
Poèmes

 

 

à Eric, mon ange,

pour Solène, notre fille.


 
PREMONITIONS
 
 
   
 
Paris, 1988.
 
 
 
La pleine lune est rousse

Le dragon gît là, terrassé

Saint-Michel nous enchante

Et l'ombre de la croix sur le ciel blanc de nuit

 

Le brouillard s'épaissit.

Quelques feuilles retirées de la pelouse

Viennent écrire en négatif cette vérité.

Et soudain, la croix tombe du mur.

 

Sans cesse un témoignage de l'amour qui nous lie.

Noeuds, secondes enfermées en secret,

Image cachée derrière la croix ou serpents enlacés.

Flammes d'un feu de joie au son d'un requiem.

 

Jaunes sont les mots doux.

Et les heures éloignées se consument en une odeur d'encens.

L'ange sort du silence et se tourne vers l'Orient.

Le bonheur nous attend.

 

Le Mont Saint-Michel, 1989.
 

 

LEVRES

 

Lèvres sensuelles et tendres

D'un gris rosé, si belles

Fines, douces et rebelles

Pour un murmure surprendre

Leur émotion cachée.

Sous ce rideau serré

Oppressants et voilés

Les yeux ne suivent pas

Ils chantent le trépas

La mélancolie fée

Vibrent d'un même accord.

Passe une poussière d'Ange

Et sans faire un effort

Soudain bat une frange

De cils papillonnants.

Alors, tout déroutant

Un filet bleu de larme

Sur la joue chaude coule

Rejoindre toute saoule

La lèvre aux mille charmes.

 

 
Paris, 1989.
 

 

 
LEGERETES

 

Petit papillon blanc

Rêve, pur et charmant

Né de nos amours foles

Si fragille s'envole

Pour annoncer au vent

Que dorment les amants

Mais soudain tu t'éveilles

D'un songe sans pareille.

Petit papillon blanc

S'enfuit vireviletant

Disparaît sous nos yeux

Embués d'amoureux

Nous n'avons plus sommeil

Mais malgré ce réveil

Reste, au delà du temps,

Comme un enchantement

Petit papillon blanc

Né d'un lait innocent.

 

La Souricière, 1994
 
 
 
 
TRISTE SOURIRE
 
 

Pour les coeurs amoureux

Triste joie de l'amour

Ô démon insidieux

Hante déjà nos jours

Lutte contre la vie

Au delà du mépris

Mais sans détour choisir

Et oublier demain

Et nos corps enlacés

Les tendres et sourds délires

Car seule compte la main

A la mienne nouée

Va et vient de la vie

Et déjà tu souris...

 

Le sourire s'est brisé et la lèvre fendue

Cratère dans le coeur, tremblement de colère

La bouche s'est crispée, murmure de la Terre

Comme l'aile est blessée à l'envol rompu.

Exténuée et si sombre implore le pardon

Efface le remords et de chaleur caresse

La pente fraîche et douce qui mène à la tristesse

Mais lointaine et ténue la flamme d'abandon.

 

Meaux, 1989.
 

 

VISIONS

 

Par le soir aime un ange sur un toit dans la brume

Hante par son absence les nuits noires d'amertume

Plénitude et délice que ce sentiment

De tranquillité nostalgique sans vague profonde

Attend sans y penser, espère, rêve en jouant

Au jeu cruel et futile de la vie perdue

De l'ange éloigné pour que redevienne amant

Qu'en un souvenir persiste l'image ingénue

Alors, ô merveille, dans l'oubli de l'oubli

Il faudra composer une autre vie, la vie

 

Paris, 1990.
  
 
TRANSFERTS
 
à Bernard Henry
 

 
 

 
LOINTAIN DIVAN

 
 

Comme un rituel brisé qu'un sacrifice éclate

Artifice d'un feu factice, surpuissant

Mots cassants mais propices à laver les tourments

Hante ma déraison, ô dragon opiniâtre.

 

Sous le tapis d'Orient le sofa a servi

Paroles rouge brique, reproches, droit de critique

Amnésie embuée, Amiens et ses reliques

Saisissent cet instant, désir inassouvi.

 

L'apparence figée s'exécute docile

Le corps souffre caché, piment indélébile

Cent mille parasites dilapident mon âme

 

Autant d'astres épars, étincelle diaphanes

Et s'il faut désigner l'objet de cet émoi

Mon doigt sans hésiter se pointe droit sur toi.

 
 
Villiers Saint Georges, 15 Août 1996.
 
 
 
 

 

COUP DE FIL

 
 

Méchant téléphone

Vilaine machine

Fil cruel, à se pendre

Cette voix est si pierre

Toute échappatoire à l'Amour

Fou de rage se brise

En mille éclats de lèvres.

 

L'agacement vibre

Au rythme de l'usure

Colère mal contenue

Impatience sans conscience

 

Le vautour de souche

Sanguinaire m'aveugle

Comme une enfant fébrile

Qui apprendrait soudain

Que son nouveau présent

Arrivera demain

 

Mais demain est si loin

Et à l'imaginer

On sait que l'on sera

Alors si fatigué

Laid, cerné un visage

Sans charme, tout gâché

Transformé en fantôme

 

Vous m'êtes sympathique

Mais ce n'est pas possible

Pas possible cible

Atteinte en plein coeur.

 

Amiens, Juillet 1996.
 
 
 
 

PSYCHOTHERAPIE

 

Je vous rêve en dormant

Je vous rêve éveillée

Comment faire à présent

Pour vous émerveiller?

Neige fragile, ombre subtile

D'où me viennent

Ces bruissements feutrés

Qui dans l'obscurité m'atteignent

Comme un mort qu'on aurait étendu

Là, dans le froid des herbes.

 

Vous me manquez la nuit,

Vous me manquez l'été

Où chercher maintenant

L'espoir de vous trouver?

Eau fraîche qui vacille

A la lumière cachée

D'un oeil triste et figé

Un parfum éternel

Ote à la vie tout charme

Et lave l'incendie.

 

Vous m'êtes infini,

Vous m'êtes insondé

Viendrez vous aujourd'hui

Encor m'ensorceler?

Vapeur tiède immobile

A l'aube d'un éveil

Fragile et solitaire

Dont l'éclat d'opale

Fascine puis s'oublie

Lentement.

 

Quand à user mon coeur

Je vous aurai souhaité

Quand à user mes lèvres

Je vous aurai prié

Essence suave et sensuelle

Couleur, volatile clarté

Dont surgit, instance majestueuse,

Un renard argenté

Beau et immuable

Et qui rit a jamais

 

Je vous dirai adieu

J'essaierai d'oublier

Qu'il n'est rien d'impossible

Pour qui sait aimer.
 

Paris, 05 Juillet 1996.

 
NOYADES
 

 

 

LUTTES

 

Comment trouver les mots

Qui te feront sortir

De l'ombre et du chaos

Qui semblent t'engloutir

 

Comme un anniversaire

Si dur à affronter

Il n'y a rien à faire

Je ne peux oublier

 

Reste donc plus longtemps

Auprès de nous, mon ange

Je te prie tant et tant

 

Mais pourtant rien ne change

Tu es mort et tant pis

Je m'éteins moi aussi.

 

Paris, 3 Septembre 1996.
 

 

 
 

RANCOEUR

 

Nuit à la souricière

Ame d'ange déchu

Ecume de poussière

Respire l'inconnu

 

Comme cette nuit là

Pour nous ensorceler

Et lier à jamais

Tu me pris dans tes bras

 

Le destin de l'Amour

Le sort de non retour

C'est toi qui l'a voulu

 

Mon amour éperdu.

Mon amour s'est perdu

Lorsque tu t'es pendu.

 

La Souricière, Septembre 1996.
 

 

VESTALE DE TA VIE

 

Astreintes séduisantes

Jubilation sismique

Martingales rythmiques

Myriades étonnantes

 

Turquoise australe

Au corps d'une vestale

D'un feu clair gardienne

D'une ombre circadienne

 

Belle âme transparente

Autonome rivale

Du savoir ancestral

Aspirant à l'attente

 

D'un monde plus serein

Où mort, calme et soupirs

Douleurs couvées, délires

Enfin ne feront qu'un.

 

Juillet 1996.
 
 
 

BASEL EN DECEMBRE

 

Comme un voile endormi, frontière entre les mondes

Aubade. Voyage vert et rouge, dorures.

Avancée progressive dénuée de Césure.

Poudre aux yeux, poutre ronde.

 

L'enfant dans le sommeil, cette petite mort

Comme impression fugace de pauvreté cachée

La Comédie d'un jour de Paolo Conte

Envahit les pensées, resurgit sans effort.

 

Le tremblement des trams, l'eau boueuse du Rhin

Bâle dans ses ruelles exhibe ses richesses

Raffinement subtil des vitrines, caresses

Du vent. Lointain, le sifflement d'un train,

 

Illusion auditive d'un pianoforte.

Lit blanc de plumes chaudes, nid sensuel, insomnie.

Malaise de l'enfant qui, trop longtemps privé

A soudain trop mangé de ces pâtisseries.

 

Mais dans l'aube brumeuse, les coups des cloches sombres

Réalité glaciale de la proximité

Me tirent de ce rêve où tu étais mêlé

Retour instantané au milieu des décombres.

 

Bâle, Novembre 1996.
 
 
 

SAISONS SEULES

 

Neiges, pas feutrés, hypnose

Scandée au rythme des horloges

Pâleur candide comme au réveil

Linceul d'avoir trop fait l'amour

Lorsqu'aux limites du sommeil

Soudain l'on sent poindre le jour.

Si loin si proche tu es là

Et je ne rêve que de toi.

 

Esseulée au milieu de ce froid

Riche d'envies aux parfums frais

Devant ce spectacle glacé

Je sens que je n'attends que toi.

Aux confins des flocons bleutés

Eau claire d'une glace fondue

Murmure d'un son qui s'est perdu

Pour partager ma liberté

 

Au loin la paille d'une meule.

L'oiseau noir s'éloignant de moi

Trace pour moi la route seule

Et je ne désire que toi.

Pour me rendre cette chaleur

Qui m'animait tout en douceur

Comme une flammèche irisée

Chauffe mon coeur sans le brûler

 

Tu es tout puissant mon Seigneur

Entre chez moi et fais du feu

Car si tu me fais cet honneur

Déjà je me sentirai mieux

Mets à mes joues cette rougeur

Et redeviens alors cet ange

Qui par son attitude étrange

M'invitait jadis au bonheur.

 

Le froid ne m'a pas épargnée

Je n'ai pas su te retrouver.

 

Volkestwill, Novembre 1996
 

 

ADIEU

 

Dérapage

Page tournée

Sur ta vie

Ton image

 

Janvier 1997.

 
SONNETS MELANCOLIQUES
 

 

SOMMEIL

 

Léthargie, aubade d'un oubli, clapotis

Incessants. Le temps coule. La vie est seule et saoule

Coule transfigurée au milieu de l'oubli.

Paris jaloux m'éveille et m'émerveille, le moule

 

Aux yeux noirs du cosmos, ciel souillé d'immondices

Papier froissé aux mains blanches, voûtes tendres

Nervures acerbes, fardeau secret, bois à fendre

Volupté de se livrer au cruel délice

 

Lave mouvante, sable écarlate, obstinément

Passion fugace et vaine, ouverte aveuglément

Lutte désenchantée, couteaux tirés, reliques

 

Impitoyable jeu aux relents pathétiques

Gouffre béat, soupirs jusqu'à la déraison

Sans sang sentir soudain diffuser ce poison.

 

Paris, Juillet 1996.
 

 

LETHARGIE

 
 
Si tu pouvais, rêveur, au fond de moi entendre

Les coups par toi portés, féroces battements

Chaotiques saccades, bruissants emportements

Tu sentirais soudain ton coeur du mien s'éprendre

 

Et comme un oiseau frêle qui ne peut redescendre

Emporté par les vents vers les cimes cachées

Te laisser entraîner par ce vertige né

D'un hasard déroutant, fiévreux à nous surprendre.

 

Oublie alors ton masque légitime et figé

Et pour mieux ressentir cet élan spontané

Plonge de bonne grâce dans cette léthargie

 

Reçois enfin, heureux, cette douce folie

Attentif aux pensées de l'amour qui me ronge

Loin du reste du monde, accepte ce beau songe.

 

Paris, Août 1996.
 
 

LE SERPENT EGARE
 
 

Lancé à corps perdu, coeur serré, corps pendu

Vers l'aventure étrange, plénitude inconnue

Un serpent qui s'ignore caresse le trépas

Nébuleux firmament, miroir de l'au-delà

 

Quel hommage te rendre qui soit à la hauteur

De ce que je ressens de regrets et d'amour

Les mots n'ont aucun poids et pourtant sont si lourds

Lorsqu'il faut exprimer les peines de mon coeur.

 

Pour survivre il faut taire ces démons obsédants

Lâche se réfugier vers l'autre comme amant

Voler, rouler, voguer, courir sans s'arrêter

 

Voyager au présent, oublier le passé

Et, poussée en avant par ta chair et ton sang

Respirer, vivre et fuir, mais jamais comme avant.

 

La Souricière, 17 Août 1996.
 
 

ADIEU NEVROSE

 

J'avançais à tâtons, cernée d'un brouillard tiède

Inconsciente illusion de ce voile ajusté

Qui, m'enserrant, masquait ma vie réalité

Du fond de mes pensées je demandais de l'aide.

 

J'entendais, étouffée, la voix qui me disait:

"Le monde est ce manège qui, roulant et tournant

Ne sait plus si les mots veulent rire ou pleurer"

J'espérais m'entourer d'un rêve comme amant.

 

Soudain, en un éclair, l'évidence jaillit.

Clarté, lucidité, souffle coupé, magie

D'un air limpide et frais, comme un charme rompu

 

Tout est cru, tout est nu, et me laisse éperdue.

- Névrose, qui es-tu? Depuis quand es-tu là?

- J'étais en toi la Muse. Tu ne le savais pas.

 

Paris, 1997.
 
 
 

L'ETRANGERE
 
 

 
Comme une plaie béante au milieu du visage

J'ai reçu de plein fouet le bruit de ton trépas

La pluie noue étourdit de relents de colza

L'Ermitage est bien seul, empreint de son image

 

J'étais le point de mire, je courais en avant

Par terreur de l'ennui, par pulsion de survie

Je me cachais toujours derrière le paravent

De la petite fille modèle et trop polie

 

Et lorsque j'ai enfin reconnu l'étrangère

Lorsque son attitude fut soudain familière

De sa bouche la Rose, de l'oeil son iris,

 

Hélas à mon retour elle s'était enfuie

Rejoindre la comète près de la voix lactée

Et j'ai alors compris que je l'avais aimée.

 
 

Paris, 1997.

 
RECONSTRUCTIONS
 

 
 

AMIENS

 

Vie forte bat en moi, eau vive, vive voix

Amiens s'enfuit déjà, automne nostalgique

Amiens, ville suicide, disparaît dans la brume

 

Dormir sans toi la nuit, t'encenser sans un bruit

Amiens s'oublie déjà, triste amante jalouse

Amiens qui se consume en un filet de ruines

 

Manger sans appétit, travailler sans répit.

Amiens, amour, amor, mors à mort et chagrin

Berceau de liberté, tombeau de volupté

 

Et cette route aride et raide à s'essouffler

Un escalier silence fermé derrière la porte

Un fantôme oublié. Amiens est presque morte.

 

Paris, 1997

 

 

 

REGAIN

 

Ostensiblement, le vent se balance

La vie bat son plein, les sources fusionnent

Et les vagues inlassablement sermonnent.

Le coeur déraisonne, passé sous silence.

 

La vie bat son plein, les sources fusionnent

Le temps se repent, l'illusion avance

Le coeur déraisonne, passé sous silence

Son rythme sacré lentement entonne.

 
Le temps se repent, l'illusion avance

  Un espoir ténu la nuit emprisonne.

Son rythme sacré lentement entonne

L'idée étouffée entrée dans les transes

 
Un espoir ténu la nuit emprisonne,

Espoir que soudain miroite la chance.

L'idée étouffée entrée dans les transes

Et qu'au bout du jour l'harmonie résonne.

 

Berkeley, 1997.
 
 
 
MOSAIQUE

 

Fictive création

Décor, cache misère

Dessous, c'est le béton

Mais à part ça, que faire?

 

Comme le ciment poisse

Mosaïque magique

Enrobe mes angoisses

Et masque le tragique

 

Puissantes martelines

Fendent le crâne dur

Migraines enfantines

Attendrissante armure

 

L'austère patriarche

Enonce patiemment

La tranquille démarche

Pour créer lentement

 

Le sable s'écoulant

De mes doigts abîmés

Compose le présent

Morcelle le passé

 

Poudre de plâtre mou

Tesselles colorées

Tout semble un peu moins fou

Agencements serrés,

 

M'entraîne à oublier

Ce monde de murmures

Où, vives, les blessures

Sont longues à colmater.

 

Mais les couleurs ravivent

Les souvenirs enfouis

Images fugitives

D'une source tarie

 

Sans se préoccuper

De ces sombres désirs

D'un solide mortier

Se mettre à rebâtir

 

Saint Rémy Les Chevreuse, Août 1996.
 
 
 

RENAISSANCE

 

On aime la douceur, la chaleur et l'ivresse

On voudrait oublier que parfois le temps presse

Et se livrer en pleurs aux vagues mystérieuses

Qui, au fond des entrailles, remuent, érodent et creusent.

 

Peu à peu la falaise recule pour faire place

A ce tourbillon fou qui modèle l'espace

Et transforme à son gré les formes endormies

En mouvances fragiles et chairs endolories

 

Ne plus tenter de fuir, accepter sans broncher

Ce baiser tout soudain de la mer déchaînée

Cesser de respirer, et les sens en éveil

Contempler, fou d'amour, la vie et le soleil.

 

Au bout de l'horizon, absurde comédie,

Le trépas égaré s'est noyé sans un bruit.

Balayée, écorchée, l'harmonie de l'espoir

Par ce vent de folie qui repeint tout en noir.

 

Mais l'idée de l'envie, agressive, stridente

Embuée, assourdie, à paraître innocente

Perce parfois cette onde tel un fléau sanglant

Et redonne à la nuit l'éclat du firmament.

Paris, Octobre 1996.
 
 
 
 

RENCONTRE

 

Je t'ai croisé comme un soupir

Rêve étrange, parfum subtil

Fascination sensuelle, idylle

Aux confins d'un sombre délire.

Ce jour de pluie je t'ai aimé

Sous le soleil je t'ai revu

Je crois que nous étions changés

Mais pareillement m'as ému.

Quelles épreuves de la vie

Ces points communs de notre histoire

Ont à ce point aboli

L'éternité qui nous sépare.

Sans le savoir tu m'as rendu

Et par ta grâce et ton sourire

Ce que longtemps j'avais perdu

La part égarée de mon âme.

Et si je recherchais un jour

A qui donner tout cet amour

Je sais qu'à présent ce serait

Quelqu'un qui te ressemblerait

Berkeley, 1997.
 
 
 
 

EHUD

 

Ecarlate désir

Etoile brune à travers toi

Cruelle retenue

Curiosité larvée

Tu as l'aisance j'ai l'envie.

 

Ehud.

 

Souplesse délectable de ta démarche lente

Une imperceptible dérive

Me tire vers le néant

 

Angoisse d'illusion

Peur égoïste d'avoir à partager

L'idée de te voir seul

De te savoir, t'entendre,

Ce fantasme insondable

De t'admirer encore

Sans effort

Et me laissant aller

A l'abandon tranquille.

 

Ehud.

 

Regarde moi alors

L'audace est un délice

Grisant et volatil.

Mardi gras

J'avais mis le masque

A la timidité

Mais elle est comme une ombre

Un refuge sacré

 

Dans ce troublant dédale

Laisse moi t'espérer.

Berkeley, 1997.
 

 

 

 

RENOUVEAU

 

Replonger

Comme après un trop brusque sevrage

Au gré des lames acérées

De vague en vague divaguer.

Quiétude.

Maudite solitude, liberté pervertie

Murmure de l'absence.

Essaime ma douleur, toi qui teins le passé

De tons ocres et roux.

Le fil luisant de toile d'araignée

Qui scintille et trahit

Ces pensées éreintantes

Etreint mon coeur d'étau lourd enserré

Retiens moi de crier.

Senteurs d'eucalyptus lentement balancés

Vertige.

Quelle moisson ferai-je de ce que j'ai semé?

Herbes folles naissantes,

Fleurs de larmes séchées

Mirage.

Et le sable s'échappe, interstice brisé,

Où, trop brèves les heures défilent aveuglées

Et trop longue l'attente rêve au fond du ruisseau.

Au bout de la jetée le chemin continue

Comme à perte de vue...

Berkeley, 1997.
 

 
ENTRE DEUX MONDES
 

 

INJURES

 

Délicieuse injure

Courants, turbidité

Graines figées dans un oeuf clair,

Armistice.

Troublante ressemblance

Jaunie au fil des jours

Petit Prince

Ma caravane est campée là.

Télescope.

Tant d'endroits où l'on pourrait être

Déserts humides, villes fantômes

Foule absente, détritus

Virevoltent

Mémoire des trois âges

Sage image

Déluge.

 

Paris, 1997
 

 
 

AMERTUME

 

Méristème, renaissance éternelle

Découverte végétative d'un cercueil ensablé

Un fruit cru

Tous les mots se succèdent et je ne saisis rien.

Divorce.

Le tarif de la rage.

Désordre obséquieux.

Peut on jamais pardonner l'abandon?

Homophonie atone, mimétisme.

Imiter l'absence pour tromper par ce don

Le lourd déséquilibre.

S'il n'y apas de coupable

Tout au bout de l'attente

Mieux vaut ne pas chercher

C'est lâcheté, faiblesse,

Que l'on pourrait trouver.

Fatigue qui se veut crime de lèse beauté.

Au péril de ma mort, ristourne vagabonde,

Au mépris de mon corps

J'échange ma mission contre un désir perdu.

 

Paris, 1997
 
 
 

LUCIDITE

 

J'ai vu tous ces enfants perclus à ciel ouvert

Odeur de cassonade, citronnelle, lavande

Réveil rhinal

L'activation limbique qui fait à elle seule

Rejaillir l'oublié plus vrai qu'un moratoire

Assainit,

Purifie d'excrément, liquide de scission,

De coulures, de taches, l'idéal mensonger

Nauséabond.

 

Pourquoi ne viens-tu pas me choyer plus souvent?

 

J'ai vu tous ces vieillards s'enfoncer dans la terre

Esprit libre de cri et blême de colère

J'ai entendu la plainte, j'ai failli malgré moi,

Restitué, somnambule, la foi d'un attentat

Gyrophares hypnotiques, foule attroupée, malsaine

J'ai endurci mon coeur, pollué mon regard

Par instinct de survie, j'ai cherché le courage

Frôlant l'hypocrisie.

 

Paris, 1997.
 
 

 

 

REGRESSIONS

 

Voici l'heure où prend fin l'enfance protégée

Loin de ceux que j'adule, exilés

J'entend douce et suave la mélodie du val

Berçant le coeur léger quand l'âme a mal

 

Mélancolie divine, utopie atrophiée

Restaurez moi encore, esclave libérée

Mais qui pense à l'enfant qui reluit dans la glace?

Laissez-lui par pitié encore un peu d'espace

 

Lorsque plus rien ne brûle, soleil éteint

Pain de misère, sacrifice consenti

Le printemps revient vif. Est-il vrai qu'on oublie?

Communion paisible entre tous où mène le destin.

 

 

Paris, 1997
 
 
 

LEGIONNAIRE

 

Légionnaire

Toi qui as adhéré

A un système clos

Générant crimes et suicides

Toi qui te vantes

D'avoir peut-être été

Le complice d'un meurtre

Comment espères-tu

Que je puisse sans broncher

Entendre tes prouesses.

Et tu parles avec nostalgie

De tes dégradantes ardeurs

Et tu te glorifies d'avoir survécu

Quand mouraient un par un

Tes compagnons d'infortune.

Alors marche ou crève, tant pis,

Je ne t'écoute plus.

 

Anvers, 1997.
 
 
 

FLEAU MODERNE

 

Assise en point de mire

Où je n'attends personne,

Les yeux rivés au sol, déviants.

Un mendiant vient

Et j'en suis presque soulagée.

La solitude est un stress.

Si je regardais là, plus haut,

Peut-être apercevais-je

Quelqu'un à la fenêtre,

M'observant?

Bain d'une foule absente, illusion.

J'attends encore un peu,

Je fais semblant d'écrire.

Passants oisifs, roucoulements, parade.

De cet ennui mouvant

A l'autre angoisse lente,

Je sens la lassitude.

Encore quelques instants

Et je repars, déçue,

Vers la réalité.

 
Paris, 1997.
 


 
VIE ACTIVE
 
 

UN VIEUX COUPLE

 

L'hystérie est dans l'air

Cisaillantes tension

Fanfreluches amères

Aimante répulsion

 

Regarde cette femme

Aux postures traquées

Observe bien cet homme

Il est désabusé

 

Qu'ont-ils à s'échanger

Pantomimes visqueuses

Pieuvres tentaculaires

Ventouses mal léchées

 

Ils partageaient des rêves

Qu'ils n'ont pu oublier

Que fait la liberté

Sur le bout de leur lèvres?
 

Ils séquestrent à présent

Le fruit de leur passé

L'empêchent de bouger

Et le tuent lentement.

 

Paris, 1997.
 
 

VITESSE

 

Inspiration. Echange d'un instant.

Envie de regarder. Réserve.

L'ondulation des rails

Sur lesquels nous filons en avant

Portés par quel moteur?

Tractés par quel espoir?

De tunnels en ponts suspendus,

Tensions constantes.

Guidés, canalisés,

Pesant le risque,

Réprimant tout écart.

Chassé le naturel, étouffé.

Mais si le train s'arrête,

Regarde en arrière le chemin parcouru:

On n'y voit plus.

Alors, vois autour, là, tout près, à l'arrêt:

C'est tout simplement beau...

 

Paris, 1997.
 
 
 
 
FILLETTE FOLLETTE

 

Petit feu follet

Sauvageonne endiablée

Qui te donne la vie

Et graine d'énergie

T'anime, feuille d'automne?

Reflets bleus et jaunes assortis

Dans ta chevelure brune

Etourdissants rayons lune.

Dans la nuit, comme un cri.

Tu me ferais presque peur

Avec ton air fou

Mais l'humour peut tout.

Paris, 1997.
 
 
 
 
 
L'ENVOL

 

Bel oiseau migrateur

Arrête toi chez moi

Repose sous mon toit

Tu partiras en heure

Rejoindre tes semblables

Les étangs et les sables

Enchante de ta voix

Chaleureuse ces lieux

Qui sont quand tu n'es là

Tristes et silencieux

Quand tu t'envoleras

Inexorablement

Là haut tu oublieras

Cet abri dans le vent.

 

Bruges, 1997
 
 
 

ZOO

 

Langue bleue de l'aguame belliqueux

Les ronflements réguliers contrastent

Avec le tournoiement violent

Des ailes dans le vent du Nord.

Tendresse lémurienne que nous avons perdue

Aux confins de notre humanité déchue.

Lagune artificielle.

Tatouage indélébile, rotation anarchique.

L'odeur de la cigarette froide

Trouble celle de la bête.

Il lèche avec délectation

L'urine d'un congénère.

Nous le méprisons pour ne pas l'envier.

 

Anvers, 1997
 
 
 
 
 

FEU D'ARTIFICE

 

Nuit figée

Fractales dans le tonnerre

Sacrifice de couleurs vaporeuses

Comètes bicolores

Retombées volatiles

de fumées de lumière

Inondant l'horizon

Comme à perte de vie.

Scintillations fougueuses

Sublimes chatoiements

Bouquet d'étoiles en mouvement

Dynamique du ciel

Soumis à la lumière

Du feu artificiel.

Et l'on souhaiterait soudain

Que cette féerie

Dure éternellement

Imprégnant la rétine de reflets de diamants

Au sein de ce vacarme,

Imperturbablement,

L'enfant dort, poings fermés.

 

Paris, 1997.
 
 
 
 
 
CHRONICITE

 

Brisure du destin

Vengeance houleuse.

Dégoulinant cocon éclaté

Eclabousse moi encore

Car j'ai besoin d'être punie.

Soupape qui palpite.

J'adopte la posture

Du grand chat au soleil

Défense. Perversité morbide.

La folie est si proche

Palindromes rieurs

Dans ma tête livide.

J'oublierais volontiers

Près de la vigne vierge

Mais le panorama

Du scénario des vies

Contraint à repenser

L'action récurrente, insensée.

Tout livrer pour ne plus recevoir.

 

Paris, 1997.
 
 
 
 

RYTHMICITE

 
 

Chante, ô merle noir

Dans le petit matin

Récite dans ton coin

A l'approche du soir

Tes vastes arabesques.

Et ponctue nos journées de tristesse.

 

Un jour l'esprit mutine

Et l'éclair resplendit

Il casse la routine

Et déchire l'ennui.

Mais passée la tourmente

Cette obscure tiédeur revient, désespérante.

 

Règles, ponctualité

Rythmes, mensualités

Où est le vague à l'âme?

La torpeur destructrice

Recule sous le charme

De la passion, intensément créatrice.

 

Un jour on prend le temps

D'écouter cet oiseau

On vire en cet instant

De bord et de fuseau.

Le temps est suspendu

Et soudain, on découvre : le rythme s'est rompu.

 

Comme une délivrance...

 

 

 

Paris, 1997.

 
ESCAPADE
 
 

RUINES

 

Vestiges fustigés.

Qui aimions nous?

Attachée à l'arche inaccessible

D'un pont brisé

Flottant par delà le courant

Du Tibre endiablé

Comme de vouloir laisser son empreinte

Ou se faire regretter

Se contenter d'un rien.

Figues inaccessibles aux parfums de festin

Plantes dégoulinant des balcons arrondis

Fleurs sauvages, papilionacées

Rues de chats égarés.

 

Habilement drapée

Dans cet onctueux passé

J'ai fait le voeu de vivre

Pour ne pas me noyer.

Rome, le 13 Juin 1997
 
 
 
 

COMME UN PELERINAGE

 

A la recherche d'une identité

Violence réprimée au prix de la bonté

Cri de clarté, braise bleuté

Toi qui m'as comprise et aimée

Toi qui aurais pu vivre cet été

Respire à travers moi ces senteurs de gaieté

Vibre à travers ma voix et tremble de mes lèvres

Par mes yeux, par mon corps, vois ce qu'offre la vie

Ce que tu m'as laissé de sens et de beauté

Emplis mon coeur de liberté.

Pèlerinage éclairé aux lanternes voilées

Je veux te rechercher dans tous mes souvenirs

Et pour te faire revivre et pour mieux t'oublier

Gagne mon émotion, coule à travers mes larmes

Emprunt de notre amour, suis mon parcours hanté.

Apôtre de la mort, idole du passé

Envole toi plus haut que ces voûtes célestes

Qui reçoivent parfois l'hommage du soleil

Trouble ma vanité de m'être persuadée

Dans mon aveuglement pouvoir t'accompagner.

Car séparée des nimbes où tu t'es échappé

J'appartiens à ce monde dont tu m'as violée.

 

Rome, le 14 Juin 1997
 

 

VERTIGE DE LIBERTE

 

Prélassement loufoque,

Temps suspendu.

Comme au devant du vide.

Rester sans rien attendre

Déployée dans une divine mélodie

Tarie d'infortune.

Relaxation extrême au délice extatique,

Oubli pulpeux.

Orgueil malheureux, gonflé d'être admiré

Voluptueuse chair à l'envie de toucher

Massage abrasif.

Eternité.

Gouttes furtives le long de lignes courbes.

Masculinité sauvage, Désirade absurde

Dont on ne peut se détourner, pourtant.

On se laisse emporter au gré d'une coulade

Avalanche, fantasme séduisant.

On se perd à chercher, comme un parchemin ivre

Dans l'odeur de la douce Marie-Jeanne échangée

Un salut, un seul signe.

 

Rien ne vient au couchant

C'est l'heure de partir.

 

Rome, le 15 Juin 97
 

   

 

PERMISSIONS

 

 

Charismatique ardeur

Donne moi de t'aimer

Pour qu'en une pâleur enivrante

Je puisse enfin m'absoudre.

 

Ravit moi l'âme.

 

Au détour d'un passé trop présent

Le soleil s'est figé.

 

Arène aux joutes endiablées.

Donne moi de te prendre

Donne moi d'apaiser

Pour mieux vibrer encore

 

Pour que l'on sache plaindre

Pour que l'on puisse enfin

 

Un cadeau de survie.

 

Ouvrez les grille, lâchez les

Ces fauves enfermés

Qui face a ses remords

Qui de haine animée

 

Soudain s'autoriser

Minutes immobiles

 

Ribambelle d'amour

Que fuse ma gaité

Et toise les vautours

Incidence éclatée

 

Il faudrait libérer

Tous ces noeuds écorchés

 

Que je bouge

Que je crie

Et qu'enfin je m'accorde

Toutes les permissions.

 

Paris, Aout 1997.
 
 
 
 
SEREINE HARMONIE

 

 
Apothéose

Trouble oublié

Instants.

 

Tu lui ressembles un peu.

 

Oh, que le temps s'arrête

Car de voir le soleil avancer, reculer

J'en suis comme écoeurée

Et j'en ai la nausée.

 

Peur au ventre.

Désir tenace, réjouis toi:

Car voici venir l'aura du destin

Hors la loi.

 

Bains d'amers

Baisers d'air

Marée souffle de mort

Galets d'ailes.

 

Plus tu me couves, me couvres

M'admires

Et plus les monts surgissent

Face aux chemins tortueux

Du naufrage

 

Et si je cède encore

Et si je suis victime

De l'éternelle erreur

 

Je souris faiblement et accepte en silence

Comme Fatalité

Complice.

 

Aux traces dans le sable

Qui seront effacées

Succèdent marques fraîches

Qui gisaient égarées

 

Pour les saisons brûlées,

Pour les chaînes brisées,

Adieu mirage

Adieu chantage

 

Et sereine harmonie.

 

Paris, Septembre 1997
 


 
 
INDEX
  Prémonitions..............................2

 

Rêve.......................................2

Voyage...................................3

Lèvres....................................3

Légèretés..............................4

Triste sourire.........................5

Visions.................................5

 

 

Transferts.................................6

 

Lointain divan.......................6

Coup de fil............................7

Psychothérapie.....................8

 

 

Noyades....................................9

 

Luttes...................................9

Rancoeur..............................9

Vestale de ta vie...................10

Bâle en Decembre.................10

Saisons seules.......................11

Adieu...................................11

 

 

Sonnets mélancoliques.............12

 

Sommeil.................................12

Léthargie................................12

Le serpent égaré.....................13

Adieu névrose........................13

L'étrangère..............................14

 

 

 

 

Reconstructions.........................15

 

Amiens...................................15

Regain....................................15

Mosaïque...............................16

Renaissance............................17

Rencontre...............................17

Ehud.......................................18

Renouveau.............................19

 

 

Entre deux mondes..................20

 

Injures....................................20

Amertume..............................20

Lucidité..................................21

Régression.............................21

Légionnaire............................22

Fléau moderne........................22

 

Vie active..................................23

 

Un vieux couple.....................23

Vitesse...................................23

Fillette follette........................24

L'envol....................................24

Zoo.........................................24

Feu d'artifice...........................25

Chronicité..............................25

Rythmicité..............................26

 

Escapade...................................27

 

Ruines....................................27

Comme un pèlerinage............27

Vertige de Liberté..................28

Permissions............................29

Sereine harmonie...................30